Lundi 24 juin 2019,
Isabelle Kocher, DG de
Engie, et
Yves le Gélard, DG adjoint en charge du digital et des SI de
Engie intervenait au Club Les Echos Digital sur la thématique
« Quand le digital est un booster pour la transition zéro carbone ».
Tout d’abord le groupe ENGIE est issu de la fusion de GDF et SUEZ. Aujourd’hui, il représente 60 milliards d’euros de chiffres d’affaires et 160 000 collaborateurs. C’est un groupe qui s’est bâti grâce aux métiers de production d’énergie et qui a contribué à la construction de plusieurs infrastructures énergétiques un peu partout dans le monde. Historiquement, du fait de son métier de producteur d’énergie, Engie était un gros émetteur de carbone. Aujourd’hui, face au constat que le réchauffement était un sujet majeur, la question s’est posée :
« fait-on partie du problème ou fait-on partie de la solution ? ».
Depuis, l’objectif de Engie est d’accompagner ses clients vers une transition 0 carbone. Pour cela, le groupe a dû se réinventer, notamment en recourant a de l’énergie décarbonée et en cherchant des solutions pour produire une meilleure énergie, moins cher à terme que l’énergie carbonée. Et c’est dans la recherche de solutions efficaces, qu’on se rend compte que l’énergie en elle-même n’est que de la technologie.
Pour parvenir à imposer une faible consommation d’énergie aux appareils en général, « il urge d’équiper tous les systèmes de production de digital ». Dorénavant, chez Engie, tous les systèmes, tous les départements sont entièrement digitalisés, équipés de capteurs et de logiciels.
Quels bénéfices suggèrent l’adoption d’une stratégie digitale ?
L’adoption d’une stratégie digitale vient offrir de nouvelles alternatives pour développer des solutions de fourniture énergétiques de plus en plus performantes et à la pointe de la technologie. Ces perspectives viennent motiver les collaborateurs, insuffler en eux la dynamique nécessaire pour mener à bien les projets de développement de solutions dans le cadre de cette stratégie.
L’importance du directeur digital et du directeur des systèmes d’information
A la question de son choix de réunir les fonctions de Directeur du Digital et de Directeur des Systèmes d’Information, Isabelle Kocher précise qu’elle voulait absolument qu’Yves Le Gélard ait des leviers sur l’infrastructure et des leviers sur l’applicatif pour être en mesure d’injecter la stratégie digitale complètement dans la verticale de l’entreprise. Combiner les deux postes en un seul est le moyen le plus rapide pour accroître la vitesse d’exécution du projet de digitalisation. « Yves est avant tout un Manager pas un informaticien, c’est un manager dont la connaissance des métiers de service était essentielle pour Engie » précise Isabelle Kocher.
La situation de fournisseur d’énergie carbonée qu’endossait le groupe la plaçait en forte décroissance et dans une situation défavorable face à la concurrence. Remonter la pente fut une idée assez enthousiasmante pour toutes les équipes à tous les niveaux du groupe. Il a ensuite fallu donner le plus d’initiatives possibles pour faire germer des petites idées et développer des solutions pour concrétiser petit à petit le projet de digitalisation. Les équipes ont été décentralisées, afin de pouvoir tester des solutions à l’échelle du building. Malgré le fait qu’elles travaillent sur différents sites, ces équipes sont restées connectées entre elles grâce à un positionnement « cloud first ». Face à cette opportunité, la réaction d’Yves Le Gélard avait été « il faut m’expliquer pourquoi on n’y va pas parce qu’à l’évidence, en termes de puissance, c’est un facteur gigantesque ».
Concernant les problématiques de sécurité que ce positionnement soulevait, Yves le Gélard était rassuré du fait que les procédures de sécurité internes étaient déjà efficaces et sérieuses. Le choix du partenaire pour renforcer la cyber sécurité c’est directement porté sur un partenaire réputé qui n’est autre que Thales.
Quels sont par exemple les changements permis par le numérique ?
Le numérique a permis de gagner en efficacité opérationnelle et a offert de nombreuses alternatives pour conduire efficacement la stratégie du groupe. Pour représenter cette nouvelle agilité issue du digital, Isabelle Kocher s’amuse même à déclarer que grâce à la nouvelle stratégie digitale, « d’un point de vue morphologique, on est passé d’une baleine à un banc de poisson ». Cela a permis de développé une dizaine de plateformes dont Engie maîtrise directement les composants principaux. L’une d’entre elles, Darwin, permet notamment de piloter les parcs éoliens, les fermes solaires, les unités de production hydroélectriques et désormais les unités de production en biogaz. Une autre, Némo, permet de piloter aisément les systèmes de chaud et de froid.
Grâce à toutes ses solutions, Engie se revendique en avance par rapport à ses concurrents. Preuve en est le nombre d’appels d’offre remportés dernièrement.
Le recrutement est donc un enjeu majeur
Ce nouveau positionnement nécessite forcément une transformation des Ressources Humaines. Pour Isabelle Kocher « la capacité d’être attractif pour recruter des jeunes sur le marché est absolument considérable ». Ce public est en effet plus enclin à être attirés par des structures qui proposent des sujets ambitieux. Aujourd’hui Engie dispose de 4 000 spécialistes du software et du big data, mais ce n’est qu’un début. En plus de chercher des talents déjà sensibilisés au digital, l’enjeu repose dans la formation.
Un plan de 300 millions d’euros à par exemple été mis en place dans la formation. Pour Yves Le Gélard, « faire de l’expérience du jeune une belle histoire, lui fournir les motivations nécessaires et lui montrer les outils qu’il aura à manipuler sont autant de détails qui lui donneront envie de faire ce parcours » est essentiel.
Pour recruter des jeunes en accord avec les enjeux d’avenir de l’entreprise, il faut tout d’abord qu’ils aient une pleine conscience de la vision et de la raison d’être de l’entreprise. Isabelle Kocher remarque que la nouvelle génération « est beaucoup plus exigeante sur le sens du travail qu’on leur propose ». Des efforts qui payent car Engie revendique aujourd’hui « une progression de 80% de cv reçus par rapport à il y a 3 ans ».
Pour mobiliser les jeunes talents en interne, l’innovation technologique est la clé. Des feuilles de routes sont entièrement bâties sur des stratégies technologiques. Les innovations se veulent donc de plus en plus performantes et de plus en plus poussées. Celles-ci proviennent aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur puisque Engie reste alerte concernant les technologies qui sont développées par des startup prometteuses.
Certaines d’entre-elles qui développaient des technologies intéressantes et susceptibles d’aider pour la concrétisation du projet de digitalisation, ont été achetées à travers le monde. Un fond a été également alloué pour le suivi de technologies développées par de petits groupes et susceptibles d’aider dans un futur proche. Exemple est pris de
Hunteed qui pourrait aider pour des recrutements spécifiques.
Le temps et son importance dans ce processus
L’Europe étant un continent où les émissions de CO2 sont lentement en baisse, il urge de mettre en place le plus rapidement possible les stratégies envisagées au risque de se voir très vite voler ses idées. « Nous projetons nos objectifs sur des temps courts, en semaine et non en mois, afin de garder la vitesse d’exécution dans la gymnastique permanente de révision de ces objectifs » déclare Isabelle Kocher.
A la question de Veeva de savoir si Engie a l’ambition de devenir l’Amazon de l’énergie, à savoir un agrégateur de nombreux services réputé par l’excellence de sa qualité de service, Isabelle Kocher reste vigilante :
« D’un mot, on fait du clé en main. Lorsqu’on intervient en entreprise, on vient avec une solution qu’on construit avec elle. C’est vraiment une démarche BtoB. De ce point de vue, on est assez loin d’Amazon. »
Yves Le Gélard avance tout de même une « obsession de la qualité de service, du service continu au quotidien ».
Concernant la transformation de Engie et le cadencement de celle-ci, pour Isabelle Kocher les premiers résultats portent déjà leurs fruits : « en 3 ans, on a diminué de 50% les émissions de CO2 du groupe, on a trouvé la croissance et on est plus profitable qu’avant ». Pour autant, il ne faut pas se reposer sur ce seul succès : « Quand votre 1er métier, c’est de produire de l’énergie qui en l’occurrence était décarbonée, votre intérêt d’entreprise se désaligne, et par conséquent vous perdez de la vitesse. Maintenant que nos intérêts d’entreprise, nos rémunérations sont complètement alignés sur ces roadmap 0 carbone, la question n’est plus une question de courage mais plutôt une question de vitesse, d’implémentation, d’exécution, de garder les yeux bien ouverts sur la technologie qui n’arrête pas de changer, garder de l’agilité. »