Le Club Les Echos Prospective,
en partenariat avec Wavestone, recevait le 14 décembre 2020, Amélie de Montchalin, Ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques, pour débattre du thème suivant :
"A l'aune de la crise sanitaire, quel retour d'expérience tirer de l'accélération de la transformation et de la fonction des services publics ?"
Diplômée de Dauphine, Harvard et HEC, Amélie de Montchalin a débuté sa carrière dans l’administration publique et privée où elle a occupé divers postes. Après un passage à l’Assemblée nationale en tant que députée de la 6ième circonscription de l’Essonne, elle devient Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes puis
Ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Diffuser la culture du numérique auprès des agents de l’Etat pour assurer la continuité des services publics et attirer les nouveaux talents
Offrir aux agents un cadre de travail attractif et adapté au numérique
Les mesures de confinement mises en place en mars 2020 ont donné lieu à un accroissement du numérique qu’il convient de développer pour attirer et fidéliser les agents :
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Les équipements numériques ne cessent de se développer au sein de la fonction publique : équipements mobiles, solutions de travail collaboratif, services numériques / services mobiles aux agents (le « sac à dos numérique ») …
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Les solutions innovantes se multiplient pour assurer la continuité des services publics et offrir aux agents un environnement de travail attractif : aménagement des espaces de travail et des espaces communs, promotion du travail à distance, étude en cours des solutions de tiers-lieux pour limiter les trajets des agents… Le recours au télétravail, jusqu’alors ponctuel, s’est largement développé dans la fonction publique. Aujourd’hui, 35% des agents sont en capacité de travailler à distance fin 2020 contre 12% en janvier 2020.
L’environnement de travail doit encore évoluer en profondeur pour fidéliser ces talents et développer une culture durable du numérique au cœur des administrations. Dans cet objectif, l’Etat va dédier « plus de 500 millions d’euros à la mise à niveau numérique des services de l’Etat, que ce soit pour que les démarches numériques soient à la hauteur des attentes des usagers, mais aussi pour donner aux agents publics les moyens de travailler à distance » (Amélie de Montchalin).
En parallèle, de nombreuses initiatives ont été menées afin de développer les filières numériques et d’attirer les talents pour réussir durablement la transformation numérique des services publics.
Associer les agents au cœur des projets et les former aux nouvelles méthodes de travail pour réussir la transformation numérique
Il est désormais nécessaire d’instaurer davantage une culture de confiance et de redonner du sens aux missions des agents pour les impliquer davantage dans les projets de transformation numérique. Par ailleurs, l’adaptation de la formation initiale et continue est également une condition nécessaire à la réussite de la transformation numérique. Les agents doivent être accompagnés et formés aux nouvelles méthodes de travail (ex : Ux Design, design thinking, méthodes agiles…) et aux nouvelles pratiques managériales (ex : management à distance).
Appuyer la mise en œuvre des services déconcentrés de l’Etat afin d’encourager les initiatives locales
La crise sanitaire a permis de responsabiliser les services déconcentrés de l’Etat et de rompre les lignes hiérarchiques. Le réarmement de l’Etat territorial avec le redéploiement d’agents sur des filières transverses et sur l’ensemble du territoire illustre l’agilité interministérielle : il n’est plus question de travailler en silo mais il convient désormais de susciter des synergies inter-administrations. Ce décloisonnement donne plus de marge de manœuvres aux services déconcentrées dans la prise de décision et l’exécution opérationnelle. Il s’agit également de renforcer les collaborations avec le monde de l’innovation pour permettre aux initiatives locales de prendre corps et de passer à l’échelle.
Placer l’usager des services publics au cœur des projets de transformation numérique de l’Etat
Impliquer les usagers dans les projets de transformation numérique en déconcentrant la décision
L’association des « usagers » (agents ou administrés) dans les projets de transformation numérique demeure un facteur clé de succès. S’appuyer sur « la voix de l’usager permet de garantir le succès des initiatives menées, une fois déployées à grande échelle. Intégrer les usagers dès la conception des projets publics aide à garantir l’opportunité de consacrer des investissements dédiés à ces projets pour les mener à long terme. Enfin, intégrer l’usager au cœur des projets permet de veiller à préserver l’universalité de l’action publique face à des situations telles que le handicap ou l’illectronisme. Les mesures de confinement ont permis de développer un certain terrain d’expérimentation, bien que l’association des usagers reste une pratique encore à généraliser. Les conditions sont réunies pour aller dans le bon sens d’après Amélie de Montchalin, en déconcentrant la décision et la mise en œuvre.
Assurer un accès simplifié aux services de l’Etat : encourager et généraliser le « dites-le nous une fois »
France Connect a été utilisé, à ce jour, par plus de 20 millions d’utilisateurs en France et permet un accès simplifié aux services publics. Amélie de Montchalin rappelle la nécessité d’encourager et de généraliser le principe du "dites-le nous une fois", qui permet aux usagers d’éviter de fournir, lors de leurs démarches en ligne, des informations ou pièces justificatives déjà détenues par d’autres administrations (ex : n°SIRET, n°fiscal...).
Améliorer l'accès aux démarches en ligne tout en tenant compte des publics les plus fragiles
En 2022, la France a pour objectif de rendre 250 démarches administratives 100% numériques. Dès lors, la dématérialisation des services publics doit se poursuivre, tout en tenant compte des publics les plus fragiles.
Le développement du numérique permet aux agents de se recentrer sur les publics les plus fragiles comme indique la ministre : « On ne fait pas du numérique pour remplacer l’humain. On fait du numérique pour que les agents puissent automatiser des tâches, pour libérer du temps et être en contact avec les usagers aux situations les plus complexes, et les plus fragiles. C’est du numérique utile. »
La valorisation du vivier de données publiques permet notamment aux administrations de mieux cibler les usagers nécessitant un accompagnement personnalisé. Le croisement de données inter-administrations permet par exemple de détecter les changements de situation (ex : passage à la retraite, situation de handicap, décès d’un proche…) et d’épauler les usagers concernés dans leurs démarches administratives.
Evaluer de manière transparente les politiques publiques de l’Etat
La dématérialisation des services publics s’accompagne d’une meilleure transparence des politiques publiques pour l’usager.
L’objectif du 100% dématérialisé d’ici 2022 vise à améliorer d’une part l’expérience usager et d’autre part la satisfaction des usagers, avec un objectif de 80 % de satisfaction usager pour chaque démarche administrative en ligne. La ministre a rappelé la possibilité de consulter la satisfaction usager grâce à la mise en place d’un observatoire de la qualité des démarches en ligne. Dans cette même lancée, un baromètre sera mis à disposition des usagers afin de présenter l’avancement et les résultats des grands chantiers déployés par département. Mis à jour de manière trimestrielle, ce baromètre vise à associer élus, entreprises et citoyens au cœur de la transformation de l’action publique.
La transformation de l’action publique est en pleine accélération et nécessite une prise en compte de l’ensemble des enjeux afin de répondre aux défis qui se dressent devant elle. La pérennisation des actions menées pendant la crise sanitaire s’effectuera via deux leviers majeurs : la diffusion d’une culture numérique auprès des agents et l’intégration des usagers au cœur des projets de transformation numérique de l’Etat.