Le 24 mars 2016, le Club Les Echos en partenariat avec Kurt Salmon et Anaplan recevait le Président-Directeur Général de Plastic Omnium, Laurent Burelle, autour du thème :
« Quel avenir pour l’automobile ? ».
Laurent Burelle et Plastic Omnium
Arrivé chez Plastic Omnium en 1974, c’est en 2001 que Laurent Burelle s’est hissé à la tête du groupe. En 15 ans sous sa direction, le groupe français est devenu une multinationale et l’équipementier de référence de l’industrie automobile, avec près de 90% de son chiffre d’affaires réalisé hors de France.
Plastic Omnium s’inscrit dans un marché en forte croissance alors que la proportion de plastique dans nos voitures est passée de 10 g en 1947 à plus de 150 kg aujourd’hui. Par ailleurs, Plastic Omnium s’est illustré par son sens de l’anticipation basé sur une diversification de l’entreprise et n’a pas hésité à réaliser des opérations de croissance externe. Fort de cette stratégie, le groupe Plastic Omnium se distingue par la croissance record de son cours de bourse qui a augmenté de 700% ces 10 dernières années.
Du fait de leur forte contribution au secteur automobile, les équipementiers ont une légitimité importante pour proposer des innovations
Pour un équipementier, oser parler publiquement de l’avenir de l’automobile pourrait paraître non légitime. En effet, ce sont les constructeurs qui détiennent la marque, qui assemblent et qui décident de leur politique de design et de marketing, et non pas les équipementiers.
Cependant, depuis 10 ans les choses ont changé et aujourd’hui, 70% de la valeur ajoutée d’une voiture est concentrée chez les équipementiers. Pour cette raison, les constructeurs transfèrent une partie de l’innovation vers les équipementiers, à l’instar de certains services de R&D d’équipementier, intégrés chez les constructeurs.
Au contraire de l’électronique, le marché automobile est caractérisé par des cycles longs
L’exercice de la prospective nécessite de rappeler que les cycles d’innovation de l’industrie automobile sont longs, à l’opposé du secteur électronique, et doivent faire face à une forte inertie du marché. La période séparant le lancement d’un concept de sa mise sur le marché peut atteindre 10 ans. De plus, le parc automobile dont l’âge moyen est de 12 ans, se définit par une forte paralysie qui empêche l’émergence spontanée de nouvelles technologies sur l’ensemble du parc. Voiture électrique, hydrogène ou autonome : ces innovations vont prendre beaucoup de temps et exiger la prise en compte de contraintes législatives, sociologiques et budgétaires, ainsi que la mise en place de nouvelles infrastructures.
De nouvelles contraintes écologiques et sociologiques vont influencer l’innovation automobile
Les fabricants subissent une forte pression pour adapter leurs véhicules aux nouvelles normes de réduction des émissions et de la pollution. Ainsi, les émissions ont été réduites d’un facteur 100 au cours des 20 dernières années et cette tendance s’accentue avec la norme Euro 6 de Bruxelles et les lois californiennes. La part croissante du plastique équipant les véhicules permet à Plastic Omnium de contribuer à cette réduction, en diminuant la consommation de deux manières : en allégeant le poids des véhicules et en permettant un aérodynamisme accru.
Sous la pression réglementaire, certains constructeurs ont voulu artificiellement améliorer leur performance, or cette prise de risque peut avoir des conséquences graves pour l’industrie.
Les véhicules électriques devraient atteindre progressivement une part de marché importante de 20 à 30%. Les politiques décidées doivent être mises en œuvre de façon concertée et progressive, pour permettre à l’industrie de se préparer et adopter des solutions alternatives durables.
Mais si la voiture électrique est une solution, il faut avoir une approche plus globale. En effet, la ville de Singapour a recalculé le bilan carbone global des véhicules électriques en prenant en compte le CO2 dégagé par la production d’électricité, allant jusqu’à affubler certains d’un malus écologique. Selon Laurent Burelle, la voiture à hydrogène est prometteuse et constitue une alternative crédible aux énergies fossiles une fois les contraintes technologiques liées à son stockage réglé.
D’un point de vue sociétal, le modèle économique du véhicule évolue d’une logique de propriété à une logique d’achat de la mobilité. De nouveaux usages se mettent en place, comme le montre l’exemple récent des bacheliers américains dont le taux d’équipement est passé de 73% à 60%, illustrant leur préférence des applications mobiles. Cette évolution correspond également à une logique financière : ne pas être propriétaire d’une voiture qui n’est utilisée que 4% du temps améliore le retour sur le capital employé. La mobilité se substitue au statutaire et au plaisir… mais ce changement, favorisé par les collectivités, suivra des cycles d’évolution plus lents.
En conclusion, les grandes innovations vont prendre des pentes douces, permettant aux équipementiers et aux constructeurs d’amortir leur capital sur des cycles longs. La France, de par la qualité de ses ingénieurs, peut gagner ce combat-là mais ses entreprises devront disposer du cadre juridique et fiscal leur permettant d’investir sur des technologies innovantes.
Difficile de parler de l’avenir automobile sans parler du marché chinois
Questionné sur ce sujet, Laurent Burelle a rappelé l’importance de ce marché sur lequel les équipementiers se sont déjà positionnés durant les 20 dernières années. L’objectif en Chine était de prendre des parts sur le marché domestique en forte croissance. Sur les 88 millions de véhicules fabriqués dans le monde, 22 millions sont fabriqués en Chine et lorsqu’un acteur demeure absent de ce marché, il ne peut qu’être bon temporairement en Europe et aux USA. La présence en Chine est donc essentielle, de même que détenir un certain leadership pour que le combat ne se fasse pas sur les coûts, mais sur les technologies et le savoir-faire.
Pour le moment, les 50 premiers constructeurs du top 100 conservent néanmoins une avance sur les principaux acteurs chinois, mais ils devront maintenir une R&D entre 5% et 10% de leur chiffre d’affaires pour conserver leur avance.
Laurent Burelle voit plus loin…
Comme le chrome et le métal avant lui et remplacés par de nouveaux matériaux, la disparition progressive du plastique dans les équipements automobiles pourrait être une éventualité. Avec les véhicules électriques et autonomes, certains équipements comme les réservoirs en plastique et les pare-chocs pourraient être amenés à disparaître à terme. La question est donc de savoir ce qu’un acteur comme Plastic Omnium aura à offrir à l’ensemblier de demain… qu’il soit BMW ou Google.
Par Philippe Pestanes – Associé philippe.pestanes@kurtsalmon.com
Olivier Monclar – Manager olivier.monciar@kurtsalmon.com
et Quentin Gilli – Consulant quentin.gilli@kurtsalmon.com