Le 20 mars 2014, le club Les Echos Débats en partenariat avec
Kurt Salmon et
Invest In Reims recevait
Luc Oursel, Président du Directoire d’
Areva, autour du thème :
« Comment réussir la transition énergétique ? ».
Né à Boulogne-Billancourt en 1959, fils de militaire, Luc Oursel est diplômé du prestigieux Corps des Mines. Ingénieur rigoureux, il débute sa carrière à la Comuf et fait ses premières armes en parcourant les mines d’or et d’uranium de France et du Gabon. En 1991, il rejoint le cabinet ministériel de la Défense de Pierre Joxe comme conseiller technique. Par la suite, il occupe des postes de direction générale dans des grands groupes industriels français - Schneider Electric, Sidel et Geodis. Il rejoint Areva en 2007 pour en prendre la direction en 2011.
Luc Oursel a un tableau de marche clair : il faut gérer la période post Fukushima, difficile pour l‘industrie nucléaire ; renouer le dialogue avec le partenaire historique du groupe, EDF ; redonner confiance aux troupes et enfin réduire les coûts en attendant une embellie du marché mondial.
« 75 % des Français souhaitent une transition énergétique dans les prochaines années »
« La transition énergétique n’est pas un simple phénomène de mode - c’est un sujet qui s’est imposé et sera inéluctable dans les années à venir » : Luc Oursel en est convaincu et s’appuie sur un sondage IFOP qui révèle que 75 % des Français souhaitent une transition énergétique dans les années à venir.
Pour les Français, réussir la transition énergétique, c’est assurer l’avenir des générations futures. Il faut donc réussir à inventer un nouveau modèle en remettant en cause la prédominance des énergies fossiles, fortement émettrices de CO2.
Réussir cette transition, c’est, selon Luc Oursel, revenir aux quatre piliers essentiels de toute politique énergétique :
- Fournir une énergie compétitive aux consommateurs et aux industriels,
- Sécuriser l’approvisionnement en énergie, pour s’affranchir des aléas géopolitiques,
- Répondre au défi environnemental en réduisant les émissions de CO2,
- Soutenir l’emploi.
« La France a de nombreux atouts à faire valoir pour réussir ce défi »
La France fait figure de référence dans le domaine de l’énergie, puisqu’elle dispose :
- D’un système électrique compétitif et de qualité,
- D’une empreinte environnementale réduite (produire 1kWh d’électricité en France revient à ne libérer que 80 g de CO2 dans l’atmosphère, contre 440 g en Allemagne),
- D’un prix de l’électricité bas par rapport à la moyenne européenne (les particuliers et les petites entreprises des autres pays de la zone euro paient leur électricité respectivement 40% et 30% plus cher qu’en France),
- D’une indépendance énergétique dont le taux s’établit à environ 50%,
- D’activités fortement exportatrices, comme le nucléaire qui rapporte près de 6 Mds d’euros par an à la balance commerciale française.
Luc Oursel a ensuite rappelé les principales recommandations formulées par Areva en 2013 dans le cadre du Débat National sur la Transition Energétique.
« Il faut des orientations de long terme et un système de pilotage spécifique à la transition énergétique »
La politique énergétique française doit s’articuler autour d’orientations de long terme et mettre en place un cadre réglementaire stable qui favorise les lourds investissements nécessaires.
Comme on l’a vu au niveau européen, une politique énergétique basée uniquement sur une dérégulation complète des marchés et l’interdiction de contrats de long terme pour les industriels ne permet pas de créer une dynamique favorable aux investissements. La Grande-Bretagne a, par exemple, rebroussé chemin et se dirige progressivement vers une re-régulation de son marché.
Les axes qui doivent émerger de cette politique énergétique sont multiples :
- Prioriser les actions d’économie d’énergie, qui sont longues à mettre en oeuvre,
- Favoriser les transferts d’usage vers l’électricité qui comporte de nombreux atouts : c’est une énergie locale, facile à réguler, moderne (présente dans les technologies de l’information la domotique, les transports urbains) et qui se prête facilement à des actions de maîtrise de la demande en énergie,
- S’appuyer sur nos leaders mondiaux dans le nucléaire et chercher à consolider leur positionnement,
- Développer la filière des énergies renouvelables – la France a démarré beaucoup plus tard qu’un certain nombre de pays,
- Développer une politique énergétique évitant tout effet d’emballement ou de choc. En effet, un déploiement accéléré d’une nouvelle orientation ne favorise pas la pérennité du modèle. Il est donc primordial de garantir une articulation cohérente entre politique énergétique et politique industrielle.
A titre d’illustration, en Allemagne, le soutien massif aux renouvelables a déjà coûté près de 100 milliards d’euros aux consommateurs allemands. La nouvelle coalition est en train de réviser le plan de financement de l’Energiewende à long terme.Le cas de l’Espagne est également éclairant : elle a perdu les trois quarts des emplois de sa filière photovoltaïque, du fait de l’arrêt brutal des subventions.
Areva est favorable au développement des EnR en France, à un rythme progressif qui permet l’émergence de filières nationales compétitives et pérennes sur les marchés internationaux.
« 50% des français souhaitent un mix énergétique différent »
Luc Oursel rappelle également que seuls 6 % des français sont favorables à un mix énergétique sans nucléaire. La feuille de route du groupe est claire. D’une part, il faut consolider la place et la compétitivité du nucléaire en étant intransigeant sur la sûreté des installations : Areva propose des services et des équipements pour améliorer la sécurité des réacteurs nucléaires mondiaux. D’autre part, il faut faire accéder nos renouvelables à un niveau de maturité technologique qui assure leur compétitivité et trouver par le stockage de l’énergie une solution au problème grandissant de l’intermittence. Dans ce domaine, Areva a développé une stratégie de partenariat, à l’image de la co-entreprise entre Areva et Gamesa, qui crée un leader européen dans le domaine de l’éolien offshore.
En conclusion, Luc Oursel achève son exposé en rappelant les prérequis inhérents à une transition énergétique réussie :
- Un Etat stratège qui donne des orientations long terme,
- Des industries, publiques ou privées, capables de réaliser les investissements associés,
- Le soutien et l’adhésion des opinions publiques à cette stratégie.
Dans les questions de l’auditoire, le débat s’est ouvert par une question d’Henri Gibier, directeur des développements éditoriaux des Echos, au sujet des grandes conséquences de la catastrophe de Fukushima et de l’émergence des gaz de schiste aux Etats-Unis.
Fukushima apporte trois grands enseignements sur les prérequis du développement et de la réussite du nucléaire : garantir une sûreté irréprochable, organiser la transparence autour des activités et préparer en amont les crises potentielles. La période de remise en cause du nucléaire semble être terminée. Seule l’Allemagne parmi les grandes puissances économiques aura décidé d’y renoncer définitivement. Aux Etats-Unis, la problématique est tout autre, puisque pour la première fois de l’histoire, des centrales sont fermées pour des raisons économiques, sous la pression des coûts du gaz de schiste.
David Barroux, rédacteur en chef Industrie des Echos, a poursuivi le débat par une question plus politique sur le rôle de l’Etat autour du nucléaire, et le tabou qui semble y être associé au niveau gouvernemental. L’invité a nuancé ces propos en rappelant la démarche lancée par l’Etat autour du débat sur l’énergie en 2013, prouvant que l’Etat souhaite réinvestir le domaine de l’énergie, en donnant par exemple un objectif précis de diversification du mix électrique et de réduction de la consommation électrique finale. Toute la question tournera donc autour du calendrier de mise en oeuvre. L’Etat et notamment le Président de la République, sont engagés et sont de vrais moteurs pour la promotion du nucléaire français à l’international.