Le 12 décembre 2017, le Club Les Échos en partenariat avec
Wavestone,
Pénélope et
Favart recevait
Xavier Huillard, Président Directeur Général du
Groupe VINCI, autour du thème :
« Vinci et la ville de demain ».
Xavier Huillard, une carrière dans la construction
Issu d’une famille de « bâtisseurs », Xavier Huillard grandit en Côte d’Ivoire, où son père pilote la construction de la basilique de Yamoussoukro.
Diplômé de l’Ecole Polytechnique et des Ponts et Chaussées, il commence sa carrière à la direction de l’équipement de la Manche et lance le projet de désensablage du Mont-Saint-Michel. En 1982, il rejoint Eiffage pour redresser la société Bornhauser Molinar. Il assure plusieurs missions à l’étranger, et passe notamment deux ans à Washington pour clôturer une filiale américaine du groupe.
En 1996 il intègre le groupe SGE - qui deviendra VINCI en 2000 - comme Directeur international de Sogea, qu’il dirigera en tant que PDG jusqu’en 1998. Il est nommé président de VINCI Construction en 2000, puis Directeur Général délégué de VINCI en 2002, année où il prend la tête de VINCI Energies.
En mai 2010, en tant que Président Directeur Général de VINCI, il contribue alors à diversifier les activités du groupe en investissant notamment dans les aéroports.
En mars 2017, Xavier Huillard annonce que le groupe VINCI ne participera pas au projet de construction du mur que Donald Trump souhaite faire construire entre les Etats-Unis et le Mexique.
De 2011 à janvier 2017, il préside l’Institut de l’Entreprise, think tank indépendant de réflexion sur l’entreprise.
Reconstruire la ville pour la rendre plus agréablee
Xavier Huillard rappelle que la population mondiale, de plus en plus urbanisée, n’a jamais autant construit. Il s’agit de construire, voire reconstruire la ville afin de la rendre plus agréable à vivre pour les prochaines générations.
La ville est un concentré de révolutions : urgence climatique, mobilité, vague digitale... autant de défis qui représentent des opportunités pour VINCI.
La mobilité exige que les infrastructures de transport connectent mieux les villes, en leur sein et entre elles. L’urgence climatique incite à repenser la construction et la gestion de l’énergie. Enfin, la data a évidemment un rôle majeur à jouer dans la ville de demain.
Rendre la ville plus dense… en profondeur
Plus une ville est densément construite, plus il est aisé de faire transiter les flux de personnes, de marchandises, d’énergie, d’eau… etc.
Pour grandir, les villes peuvent soit s’étendre, soit se densifier en hauteur. Mais il faut surtout aller chercher la densité dans la profondeur. Dominique Perrault, architecte de la BNF, appelle cela le « Groundscape » par opposition au « Landscape ». La Bibliothèque François Mitterrand illustre parfaitement le concept puisque sous les quatre tours visibles en surface se trouvent 200 000 mètres carrés qui en sont le prolongement. VINCI assure ainsi la construction de la gare Eole, future gare du RER E pour assurer son extension vers l’Est : la gare sera un prolongement sous terrain sur cinq étages du CNIT et de ses parkings.
Le groupe souhaite devenir un acteur majeur du « Groundscape ». Il a racheté en 2007 Solétanche Bachy, un des leaders mondiaux des fondations de bâtiment. D’autre part, le sous-sol urbain étant un milieu encore peu connu, VINCI développe des technologies spéciales dans l’idée de créer un « Google Map du sous-sol ».
La ville durable sera sobre en énergie
Il est désormais possible de rendre actifs des objets autrefois passifs : VINCI mise ainsi sur l’exploitation des surfaces inexploitées des bâtiments. Le partenariat avec une start-up, Sunpartner, vise à déployer des fenêtres solaires productrices d’énergie ainsi que des murs rideaux photovoltaïques.
L’économie circulaire est également un excellent moyen de valoriser énergétiquement les installations. Dans le cadre du concours « Inventons la Métropole du Grand Paris », VINCI soutient un projet qui exploite la chaleur dégagée par un tunnel de l’A86 afin d’alimenter en eau chaude sanitaire et chauffage un futur projet de 120 logements. Autre exemple : Eurovia, filiale de VINCI, a inventé la Power Road, la route qui restitue aux bâtiments environnants la chaleur solaire absorbée, via un système de pompes à chaleur.
Réintégrer la biodiversité
Pour Xavier Huillard, en plus de se densifier pour éviter de s’étaler, la ville de demain devra réintégrer la biodiversité. Il ne s’agit pas uniquement de construire des jardins publics, mais de développer les terrasses plantées et l’agriculture urbaine.
Fin 2017, VINCI et AgroParisTech ont fondé une start-up, Urbalia, dédiée à l’intégration de la biodiversité et de l’agriculture urbaine dans les projets d’aménagements urbains. Concrètement, elle a pour mission de proposer aux collectivités et promoteurs des solutions favorisant la durabilité de leurs projets, dans le cadre de vie des citadins : réduction des îlots de chaleur urbaine, gestion des eaux pluviales, création d’espace de bien-être…
Penser la mobilité avant de construire
Il est impératif de penser la mobilité avant de construire le bâti. En Île-de-France, des zones comme le plateau de Saclay ou des villes comme Rueil-Malmaison vivent une saturation des réseaux de transport routier et ferrés en raison d’un manque d’anticipation de leur densification. Beaucoup de pays, à l’instar du Qatar, ont compris cet enjeu. Lorsque l’émirat a décidé de fonder la ville de Lusail, il a commandé à VINCI un certain nombre d’infrastructures de transport (métro léger, parkings…) afin d’installer la mobilité en amont.
Penser la mobilité, c’est également la segmenter. Entre 0 et 10 km dans l’hyper-centre, la réduction de l’usage de la voiture s’impose au profit du développement massif des transports en commun, des mobilités douces (vélo, scooter électrique…) et de l’auto-partage. Au-delà de 100 km, les voies rapides prédominent avec le rail, l’autoroute et l’avion. C’est entre 10 km et 100 km que le bât blesse, avec 80% des déplacements réalisés en voiture. Il s’agit désormais de mixer plusieurs solutions pour optimiser l’usage du réseau de voirie : covoiturage, hub d’intermodalité, bus à haut niveau de service…
Parmi les révolutions à anticiper, celle du véhicule autonome, qui sera un bienfait pour la ville de demain. Il permettra, avec une surface de route identique, de mieux réguler le trafic et d’optimiser les déplacements en allant chercher lui-même les passagers.
Enfin, Xavier Huillard met en garde l’Etat sur l’absence de réglementation concernant la logistique urbaine : l’expansion non maîtrisée de ce secteur pour répondre aux besoins croissants du e-commerce compromettrait la diminution du nombre de véhicules dans l’hyper-centre. La mise en place de délégations de service public de logistique urbaine serait une réponse à cet enjeu.
De l’importance des innovations digitales… et culturelles
Le numérique rendra les villes véritablement « smart ». Au-delà de l’aspect technique, le digital permet par ailleurs d’assurer l’acceptabilité des projets urbains : les habitants et parties prenantes participent davantage en amont aux phases de concertation.
Mais la véritable révolution sera avant tout culturelle. Le déploiement à grande vitesse de la modélisation numérique des bâtiments (Building Information Management) ainsi que l’essor des méthodes agiles permettent d’envisager un changement de paradigme dans l’acte de construire. L’ingénierie simultanée promet de passer d’un processus historique de construction extrêmement séquentiel à un mode de co-construction nettement plus agile, embarquant sur un même plateau projet l’architecte, le promoteur, le constructeur…
Humilité et réversibilité
Les élus du XXIème siècle gagneraient à ne pas reproduire les projets urbains du XXème siècle, qui se sont souvent montrés irréversibles. Ainsi, la diminution prévue des voitures dans Paris ne doit pas induire des constructions « en dur » sur les surfaces de voirie. Ce sont des projets démontables comme l’agriculture urbaine ou la production d’énergie renouvelable qui donneront à la ville toute son agilité. Par exemple, VINCI apporte grâce à son offre Conjugo, des des solutions pour construire un bâtiment de bureau réversible en logement et vice versa.
Enfin, Xavier Huillard conclut sur la responsabilité portée par sa génération, qui ne doit plus envisager la ville comme une « commodité » mais comme un lieu où souhaite s’épanouir la nouvelle génération.
Par Marie-Joëlle Thenoz, Associée, Public sector & Real estate - marie-joelle.thenoz@wavestone.com
et Jean-Baptiste Blondel, Senior Manager / Resp. de Dpt, Energy, utilities & transport - Jean-Baptiste.BLONDEL@wavestone.com